Du militantisme à l’hôpital psychiatrique, lettre à toi l’ami.e

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Salut, moi c’est X., la militante féministe queer qui traîne dans le milieu depuis pas mal d’années.

Tu sais, celle qui a des idées, la motive, mais qui réponds parfois « je suis fatigué.e » quand on commence un réunion.

Celle qui parfois disparait pendant des jours ou des semaines, et revient comme si de rien n’était. On a pris l’habitude de ne pas s’en inquiéter.

Celle qui donne beaucoup de son temps pour les luttes, parce qu’elle aime ça, parce que ça fait sens.

Celle qui, a mi-voix, ose parfois articuler que ça ne va pas super top, celle qui aussi, est neurodivergeante.

Alors, je suis aussi celle qui s’implique dans les luttes NA [1], pour la santé mentale, les luttes des personnes psychiatrisées.

Tout ça, c’est moi, une partie de moi en tout cas.
Mais ce que tu ne sais pas, c’est que je suis multiple, que nous sommes plein à être « visiblement » fonctionnels mais intérieurement en grande détresse.

Moi, j’ai fini à l’Hôpital psychiatrique. J’y passe un long séjour, les semaines s’enchaînent très lentement et je crois bien que je suis là depuis 6 mois maintenant, ou 2, je ne sais plus.

Les neuroleptiques, les anxiolytiques, ça a remplacé les café et les sirops bu en bonne compagnie.

Les réunions avec mes 3 médecins et la dizaine d’infiermier.es ont remplacé les réunions de collectif. Manger à la cafétéria a remplacé les bouffe pop’ et puis, un lit a remplacé le mien.

J’essaie de me reposer, tu vois. De quoi exactement ? De plein de choses.

Il y a ce qui m’appartient, ce qui fait de moi une personne neurodivergente. Mais il y a aussi ce que tu as fais, et ce que tu n’as pas fais. Oui, je t’accuse, toi, qui me lit, même si on ne se connait pas.

Tu as ris quand je t’ai confié mon diagnotique, en ajoutant que « tout le monde est un peu fou /personne n’est normal ». Tu ne m’as pas cru.e. Tu as critiqué la médication et même le fait que je sois suivi.e par une psychiatre, en bon.ne anti-psy que tu es. Tu n’as pas entendu mes limites quand j’ai dis, même par détour, que je n’en pouvais plus. Ce qui te sembles simple ne l’est peut-être pas pour moi. Tu n’as pas écouté mes besoins. Non, ce n’est pas un caprice ou un besoin d’attention si telle ou telle chose me perturbe ou m’empêche de fonctionner. Tu as remis en question ma place dans tel ou tel collectif, car je suis trop « léthargique », trop ci, pas assez ça.

Tu n’as pas cherché à comprendre, alors que nous vivons ou nous organisons ensemble, exigeant constamment que je m’adapte à toi (ce que tu me reprocheras, d’ailleurs), parce que… parce que rien, parce que la norme, c’est tout.